La vie dans l’espace à bord de la Station Spatiale Internationale Understand article

Traduit par Marge Gille. Comment les astronautes font-ils pour manger, dormir et se laver ? Le mal de l’espace existe-t-il ? Dans ce deuxième article à propos de l’ISS, Shamim Hartevelt-Velani, Carl Walker et Benny Elmann-Larsen de l’Agence Spatiale Européenne enquêtent.

La vie à bord de la Station

Par Shamim Hartevelt-Velani et Carl Walker

Le laboratoire Kibo est équipé
d’un grand hublot qui permet
d’observer la Terre

Image reproduite avec l’aimable
autorisation de ESA

À quoi ressemble la vie des astronautes à bord de la Station Spatiale Internationale (ISS) ? L’environnement sur Terre, qui se rapproche le plus de la microgravité ressentie à bord de l’ISS, est l’eau, ce qui explique que les spationautes s’entraînent dans de grandes piscines. À bord de l’ISS, les astronautes peuvent jouer avec des gouttes d’eau en suspension et, au lieu de marcher, pousser sur leurs jambes ou leurs bras pour s’écarter des murs et se déplacer.

L’ISS achève un tour complet de la Terre toutes les 90 minutes si bien que les spationautes assistent à 16 levers et couchers de soleil par jour. S’adapter à de telles conditions s’avère très difficile et les astronautes ne dorment en moyenne que 5 ou 6 heures au lieu de leurs 7 ou 8 heures de sommeil sur Terre. Ils respectent cependant des horaires stricts de travail et de repos car l’excitation due à l’apesanteur, les vues de la Terre à couper le souffle et les ténèbres du cosmos peuvent engendrer des insomnies.

L’équipage consacre 160 heures par semaine à des expériences scientifiques tandis que le reste de leur temps est occupé par la maintenance, les activités de contrôle de la Station et les sorties dans l’espace (ou activités extravéhiculaires, AEV). Ces sorties sont nécessaires à la construction, la maintenance et l’installation de composantes scientifiques à l’extérieur de la Station. Le dimanche est habituellement un jour de repos, bien que les expériences scientifiques en cours doivent être surveillées.

Sortie dans l’espace pour réparer
les panneaux solaires
endommagés de la Station

Image reproduite avec l’aimable
autorisation de ESA

Il est important pour les astronautes de prendre soin d’eux, leur santé et leur sécurité à bord demeurant une priorité. Ils doivent être en bonne santé mentale et physique. Ils mangent trois fois par jour et les repas sont des moments de convivialité pour les membres de l’équipage. La cuisine est équipée d’un réfrigérateur avec un compartiment congélation et d’une table. On peut aussi y réchauffer ses plats. Les astronautes ont la possibilité de fixer leurs pieds au sol grâce à des sangles pour pouvoir rester assis, mais en général ils prennent leur repas en apesanteur. Ils utilisent des velcros pour maintenir les plats en place et éviter ainsi qu’ils ne partent à la dérive. La majeure partie de la nourriture est lyophilisée, congelée, thermostabilisée ou prête à manger. Ces traitements et les conditions de l’apesanteur font que le goût des aliments est souvent altéré, un peu comme quand vous essayez de manger alors que vous avez un gros rhume.

Paolo Nespoli, astronaute italien
de l’ESA, pendant un repas à
bord de l’ISS

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autorisation de ESA

Le régime alimentaire doit être soigneusement choisi compte tenu de l’éventail de nationalités présentes à bord. Les astronautes ont la possibilité de communiquer leurs préférences alimentaires avant leur départ, mais sont également libres de changer d’avis pendant la mission dès lors qu’ils mangent l’équivalent de 2 800 calories par jour. La nourriture est régulièrement livrée par des cargos tels que les ATV de l’ESA ou les véhicules russes « Progress ».

Des aliments déshydratés et des boissons sont également à disposition et peuvent être reconstitués en y ajoutant de l’eau. Les spationautes utilisent des seringues pour réhydrater les portions individuelles de nourriture afin d’éviter tout gaspillage, l’eau étant un bien précieux dans l’espace. Transporter de l’eau vers l’ISS coûte très cher, elle est donc recyclée dans la cabine elle-même par condensation. La préférence est donnée au dentifrice qui ne mousse pas et les astronautes se lavent avec des lingettes car l’eau doit être utilisée avec modération. À leur retour sur Terre, ils pourront se doucher à nouveau.

Dans l’espace, il n’y a ni « haut » ni « bas ». Dormir signifie vous envelopper dans un sac de couchage attaché au mur. Les spationautes utilisent des protections auditives pour se couper du bruit généré par les différents équipements qui fonctionnent en continu, ainsi que des sons résultant de la contraction et de la dilatation de la structure de l’ISS elle-même. Ils essaient de fixer leurs bras qui ont tendance à flotter car ils pourraient boucher une arrivée d’air ce qui engendrerait une élévation du taux de CO2 à cet endroit.

La climatisation maintient une température agréable si bien que les astronautes peuvent porter des vêtements légers. La pressurisation de la cabine correspond à la pression atmosphérique terrestre. En revanche les spationautes sont équipés de scaphandres pressurisés lors des décollages, atterrissages et sorties dans l’espace pour les protéger des conditions extrêmes à l’extérieur.

Les hommes et les femmes sélectionnées en tant qu’astronautes travaillent en équipe. Leur entraînement les aide à s’accommoder du manque d’intimité et à s’adapter à un tel environnement pour pouvoir y vivre plusieurs mois et finir par considérer l’ISS comme leur « chez eux ».

Les effets physiologiques d’un environnement en apesanteur

Par Benny Elmann-Larsen, chef physiologiste de l’ESA

Depuis des millions d’années, les êtres humains et d’autres organismes vivants se sont adaptés à la vie sur Terre avec sa gravité (1 g), une température et un taux d’humidité donnés ainsi qu’une certaine pression d’oxygène. Pour nous, ce sont des conditions « normales ».

Leopold Eyharts suit un
entraînement physique à
bord de l’ISS

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autorisation de ESA

Nous sommes parfois exposés à des forces assez importantes. Par exemple, un astronaute subit 4 g pendant le décollage de la Navette Spatiale, ce qui reste tout de même inférieur aux 9 g auxquels sont parfois exposés les pilotes des avions de chasse de dernière génération. Il faut préciser que le corps humain ne peut supporter 9 g que pendant quelques secondes, sans risque de séquelle.Nous sommes parfois exposés à des forces assez importantes. Par exemple, un astronaute subit 4 g pendant le décollage de la Navette Spatiale, ce qui reste tout de même inférieur aux 9 g auxquels sont parfois exposés les pilotes des avions de chasse de dernière génération. Il faut préciser que le corps humain ne peut supporter 9 g que pendant quelques secondes, sans risque de séquelle.

Sur Terre la gravité nous permet de distinguer le haut du bas et de contrôler nos déplacements. La gravité est la référence de nos organes sensoriels à l’origine de notre équilibre et de nos mouvements, comme l’oreille interne ou les yeux. En orbite, il devient difficile de distinguer le haut du bas en raison de l’absence de gravité.

Lors des premières heures voire des premiers jours en apesanteur, les spationautes sont confrontés à une discordance entre leurs différents organes sensoriels sensés faire correspondre les informations captées par leurs yeux et leur oreille interne (analysant le mouvement et la vitesse), à l’action de leurs articulations et de leurs muscles. C’est pourquoi beaucoup d’astronautes ont « le mal de l’espace » qui correspond au mal des transports sur Terre, lui aussi dû à un problème d’équilibre lié au mouvement et à la perception visuelle. Les spationautes ne se sentent pas dans leur assiette et ont des nausées jusqu’à ce que leur corps s’adapte à ce nouvel environnement, en transmettant les messages nerveux dans l’ordre. Ils finissent par atteindre un état stable où les données visuelles ont la priorité.

Compte tenu du fait que le corps n’est plus soumis aux effets de la gravité à bord de l’ISS, tout ce qui est influencé par la gravité sur Terre se comporte différemment en apesanteur. Comme le squelette n’a plus à supporter le poids du corps, les os semblent plus légers et il devient bien plus facile pour les muscles de faire bouger l’astronaute ici et là.

La circulation sanguine est également affectée dans l’espace. Le cœur est à la fois une pompe et un muscle. Les contractions du muscle envoient le sang dans l’ensemble du corps et cette circulation, influencée par la gravité, fait que la pompe a toujours une certaine quantité de sang à traiter. Si une trop faible quantité de sang retourne au cœur, il pompera des volumes de moins en moins importants et finira par s’arrêter.

L’ISS le 20 août 2001
Image reproduite avec l’aimable
autorisation de ESA

Les effets de l’espace sur la circulation sanguine sont semblables à ceux ressentis lorsque l’on est allongé sur Terre. La circulation du sang est optimale à une pression artérielle donnée, ce qui explique que l’on puisse avoir des problèmes de santé si notre pression artérielle est trop basse ou trop élevée. Lorsque l’on est couché, le sang retourne plus facilement vers le cœur, ce qui signifie que ce dernier n’a pas besoin de pomper autant que lorsque l’on est debout. Si le système circulatoire ne s’adaptait pas à cette nouvelle situation, notre pression artérielle augmenterait. C’est pourquoi les artères du système systémique, véhiculant du sang chargé en oxygène du cœur vers le reste du corps, se relâchent pour permettre au sang de circuler en rencontrant globalement moins de résistance et pour ramener la pression artérielle à la normale. Quand le cœur se remplit de sang (diastole) ce muscle se détend plus que lorsque l’on est debout. Il pompe donc un volume plus important de sang à chaque battement ce qui ralentit également son rythme (moins de battements par minute).

C’est ce qui arrive aux astronautes lorsqu’ils entrent en apesanteur pour la première fois. L’absence de gravité fait que le sang retourne plus facilement au cœur réduisant ainsi son besoin de pomper. Elle engendre également une diminution de la circulation au niveau de leurs jambes au profit de leur poitrine et de leur tête. Leur visage a alors tendance à gonfler et leur nez à couler. Ce changement de fluides augmente le volume de sang dans un premier temps car une quantité d’eau plus importante, provenant essentiellement des tissus des jambes, intègre la circulation sanguine. Cette eau supplémentaire a tendance à fluidifier le sang et, au bout de quelques jours, les reins commencent à filtrer davantage de sel et d’eau afin de retrouver les mêmes conditions que sur Terre. La situation s’améliore les jours suivants, même s’il arrive que les sinus restent encombrés et le visage bouffi.

(Ce phénomène commence dès la rampe de lancement si les astronautes doivent attendre deux heures ou plus en restant sur le dos dans leur siège. Quand ils peuvent enfin quitter cette position, une fois en orbite, il y a souvent la queue aux toilettes!)

De retour sur Terre, la gravité va permettre aux fluides qui avaient gonflé leur tête de retourner vers leurs jambes ce qui provoque parfois des malaises chez les astronautes lorsqu’ils se mettent debout. Mais comme ils boivent aussi davantage, leurs fluides se stabilisent après environ 48h.

 

Pour terminer, Science in School a demandé à l’astronaute allemand Thomas Reiter ce qui pouvait bien pousser les spationautes à supporter le danger, le « mal de l’espace », le manque d’intimité et l’espace confiné à bord.

Thomas Reiter, astronaute de
l’ESA, aide Jeff Williams,
astronaute de la NASA, à mettre
sa combinaison spatiale en vue
d’une sortie dans l’espace

Image reproduite avec l’aimable
autorisation de ESA

« Quand j’étais petit, je rêvais de devenir astronaute. Lorsque j’avais 6 ans, j’ai suivi toutes les activités spatiales et j’ai continué jusqu’à mes 8 ans. À 11 ans, j’ai assisté au premier alunissage à la télévision et j’avais encore envie de devenir astronaute. À l’époque il était très difficile d’intégrer la profession en Europe, mais j’ai eu de la chance. Il y a eu une sélection en 1986, si mes souvenirs sont bons. J’avais l’âge requis et je remplissais les conditions préalables. Je n’ai pas hésité une seule seconde, j’ai postulé et j’ai été retenu !

Les décollages et les sorties dans l’espace sont certainement les événements les plus marquants…. Ce sont des moments vraiment très intenses et tous ceux qui ont la chance d’aller dans l’espace attendent avec impatience le moment où ils pourront quitter la station ne serait-ce que pour quelques heures. Il y a aussi des moments intéressants à l’intérieur comme lorsque l’on peut admirer la Terre ou le ciel étoilé. Et enfin, il y a le retour. D’un point de vue personnel et émotionnel, c’est ce qui ressort de ces expériences. »


Resources

Cliquer sur ce lien pour lire le premier article sur l’ISS :

Pour consulter l’intégralité de l’entretien avec Thomas Reiter et d’autres articles connexes, voir :

L’ESA a publié de nombreux documents pédagogiques en relation avec la Station Spatiale Internationale (ISS) :

  • Un Kit Pédagogique sur l’ISS, pour les enseignants du primaire et du secondaire, est disponible en version papier dans les 12 langues de l’ESA. Ces kits traitent des activités passionnantes liées à la construction, au travail et à la vie à bord de l’ISS, et fournissent également des informations générales et des exercices à exploiter en classe. Ils sont mis à disposition de tous les enseignants des pays membres de l’ESA et peuvent être commandés gratuitement en ligne: www.esa.int/spaceflight/education
  • Une version interactive du Kit Pédagogique sur l’ISS est en accès libre sur www.esa.int/spaceflight/education
  • Une série de 4 DVD de cours sur l’ISS couvrent différents sujets des programmes scolaires européens. Ils s’inspirent du Projet Gravité Zéro. Le dernier, sur la Robotique Spatiale, est disponible et peut être commandé gratuitement par tous les professeurs des états membres de l’ESA www.esa.int/spaceflight/education
  • Un nouveau DVD au sujet des sciences physiques utilisées pour l’ATV est prévu pour 2008. Les professeurs peuvent commander ces DVDs gratuitement : www.esa.int/spaceflight/education
  • L’ESA élabore des cours en ligne pour les élèves et les professeurs du primaire et du secondaire. Voir : www.esa.int/SPECIALS/Lessons_online
  • Une nouvelle version du Kit 1, sur l’exploration spatiale, pour les écoles primaires, sera publiée en 2008.

Pour de plus amples informations et du matériel éducatif, consulter :

  • Le site Internet éducatif de l’ESA : www.esa.int/education
  • Le site Internet éducatif de l’ESA à propos des missions spatiales habitées : www.esa.int/esaHS/education.html
  • Dans le cadre du colloque de 2008 de la Fédération Astronautique Internationale, Célébrant les Dix Ans de la Station Spatiale Internationale, plusieurs membres de l’équipage de l’ISS ont répondu à des questions posées par des élèves au sujet du travail et de la vie à bord de l’ISS. La vidéo de cet échange peut être consultée en ligne :www.iafastro.org/index.php?id=541

Institutions

Author(s)

Shamim Hartevelt-Velani est professeur dans l’enseignement secondaire et travaille actuellement sous contrat avec le Centre Européen de Recherche et de Technologies Spatiales de l’ESA (ESTEC) à la Direction des Vols Habités. Elle est la spécialiste en didactique de l’équipe éducative.
Carl Walker est le rédacteur en chef de l’ESA, basé à l’ESTEC. Il écrit et édite un large éventail de livres et autres documents de communication sur les vols dans l’espace et les programmes spatiaux européens.
Benny Elmann-Larsen est le chef physiologiste de l’ESA. Il a travaillé en tant qu’expert scientifique sur deux missions « Spacelab » en 1985 et 1993, ainsi que sur deux missions vers la Station Spatiale Mir en 1994 et 1995. Sur cette dernière mission, il a travaillé en étroite collaboration avec Thomas Reiter. Entre 2000 et 2002, il a dirigé la première étude européenne de simulation d’alitement dans l’espace sur une longue période et s’occupe maintenant de l’édition de la lettre d’information scientifique sur les vols spatiaux habités (la Human Spaceflight Science Newsletter), pour le Département des Opérations et de la Recherche de l’ESA.

Review

Le contenu de cet article des plus intéressants est assez simple, ce qui le rend accessible aux non-spécialistes. Je m’imagine bien l’exploiter avec des élèves pour un exercice de lecture à visée informative. Cet article convient assez bien à tous les niveaux en dehors du paragraphe à propos des répercutions de l’apesanteur sur la circulation sanguine.

Ce deuxième article sur l’ISS traite d’un certain nombre d’aspects médicaux et biologiques des vols spatiaux, sujets que beaucoup d’étudiants ne maîtrisent pas. Cet article décrit les problèmes liés aux vols spatiaux habités et la manière de les aborder.

Les ressources en rapport avec cet article sont très nombreuses et témoignent de l’implication de l’ESA dans l’éducation. Elles valent la peine d’être commandées ou téléchargées.

Mark Robertson, RU

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