Fusion dans l’univers : la puissance du Soleil Understand article

Traduction Henri Boffin. Mark Tiele Westra de l’EFDA (European Fusion Development Agreement) à Garching, en Allemagne, nous éclaire sur la source d’énergie de la Terre: le Soleil.

Il y a un peu plus de 100 ans, personne ne pouvait expliquer la façon dont le Soleil produit l’énorme quantité d’énergie qu’il irradie dans l’espace. Bien sûr, on avait quelques idées, la plupart assez astucieuses. Certains savants pensaient que le Soleil était un gigantesque nuage de gaz s’effondrant sous l’effet de sa gravité, les effets de friction et les collisions étant la source de chaleur. D’autres pensaient que le Soleil n’avait pas encore eu la possibilité de se refroidir depuis sa formation. Ces idées menèrent à une même conclusion: l’âge du Soleil devait être inférieur à quelques dizaines de millions d’années. S’il était plus vieux, il serait déjà froid.

Mais Darwin et ses collègues, étudiant la formation et l’érosion des roches, et la lente évolution de la Vie, semèrent le trouble. Pour que leurs théories aient un sens, il fallait que le Soleil soit bien plus âgé, au moins des centaines de millions, voire un milliard d’années. La controverse faisait rage.

Il fallut attendre la découverte de la radioactivité et l’acceptation de la notion surprenante que la masse et l’énergie sont interchangeables, d’après l’équation d’Einstein E=mc2, pour qu’une solution soit en vue. Sir Arthur Eddington, un astronome britannique, fut le premier à considérer les différentes pièces du puzzle et à imaginer de façon audacieuse que c’était peut-être la fusion nucléaire, le processus qui crée des éléments plus lourds par fusion des plus légers, qui était responsable de la production copieuse d’énergie solaire. Depuis lors, nous savons en effet que le Soleil brûle de l’hydrogène, le gaz le plus léger dans l’univers, et le transforme en hélium. Nous savons même comment (voir la figure ci-dessous)!

La production d’énergie dans le Soleil : deux noyaux d’hydrogène fusionnent pour former un noyau de deutérium, un positron et un neutrino. Le positron rencontre rapidement un électron et les deux s’annihilent, produisant de l´énergie. Le noyau de deutérium fusionne avec un autre noyau d’hydrogène pour former de l’hélium-3. Dans la dernière étape, deux noyaux d’hélium-3 fusionnent pour former de l’hélium-4 et deux noyaux d’hydrogène.
Image reproduite avec l’aimable autorisation de Mark Tiele Westra

Les détails de ce processus sont étonnants. D’abord, un noyau d’hydrogène (proton) doit attendre en moyenne cinq milliards d’années dans le Soleil avant de fusionner avec un autre noyau d’hydrogène pour former du deutérium. C’est en fait une excellente nouvelle pour nous: si cela avait lieu ne fut ce qu’un peu plus rapidement, le Soleil serait déjà à court de carburant depuis longtemps et nous ne serions pas là. La seconde étape, dans laquelle l’hélium-3 est produit à partir de deutérium et d’hydrogène a lieu en moyenne après 1,4 seconde, tandis que la dernière étape, la production de l’hélium, prend 240 000 ans. L’énergie libérée pendant le processus de fusion est transformée en photons: c’est la lumière.

Ces premiers émois passés, les photons lumineux à peine créés doivent encore s’armer de patience pour atteindre un jour la Terre. Un photon commence son voyage vers la Terre à la vitesse de la lumière, mais c’est pour presque aussitôt entrer en collision avec un électron qui diffuse le photon dans une direction aléatoire, comme une bille dans un billard électrique. Ce phénomène se répète encore et encore. Un photon aura ainsi besoin en moyenne de plus de 20 000 années pour faire le voyage de 695 000 kilomètres depuis le centre du Soleil jusqu’à sa surface, soit une moyenne assez pathétique de quatre mètres à l’heure.

Après ce long et irrégulier périple, le photon couvre les derniers 149 millions de kilomètres à la Terre à la vitesse normale de la lumière, pour arriver 8 minutes plus tard à sa destination. Ceux-ci sont les plus chanceux: il existe aussi dans le Soleil des photons ayant été formés il y a cinq milliards d’années mais qui n’ont pas encore trouvé la sortie. Pouvez-vous imaginer un pareil dédale?

Lors du processus de fusion, une autre particule bizarre est créée: le neutrino (voir la figure). Un neutrino interagit à peine avec la matière et peut dès lors s’échapper quasi instantanément du Soleil. De grandes quantités de neutrinos sont formés dans le Soleil: chaque seconde, 100 milliards de neutrinos solaires traversent le bout de chacun de vos doigts! La plupart des neutrinos traversent la Terre entière sans être le moins du monde affectés. En fait, un neutrino pourrait traverser une année-lumière de plomb sans être stoppé!

Lorsqu’on pense au centre du Soleil, on imagine une gigantesque fournaise ardente, soufflant la chaleur. Avec une densité égale à 150 fois celle de l’eau (un demi-litre du Soleil pèse autant qu’une personne moyenne), et une température de 15 millions de degrés Celsius, c’est un environnement intimidant de bien des façons. Mais un mètre cube du centre du Soleil ne produit que 30 Watts, à peine assez pour allumer une ampoule électrique. C’est l’énorme taille du Soleil qui fait en sorte que nous avons chaud sur Terre.

Actuellement, le Soleil brûle 600 millions de tonnes d’hydrogène chaque seconde et les transforme en 596 millions de tonnes d’hélium. Où sont passées les quatre millions de tonnes restantes? Elles ont été complètement transformées en énergie. En appliquant E=mc2 (où E est l’énergie, m la masse et c la vitesse de la lumière), nous trouvons que 4 millions de tonnes de matière égalent 100 000 000 000 000 000 000 Kilowattheures (100 milliards de milliards) d’énergie, soit environ un million de fois la quantité d’énergie utilisée par le monde entier pendant un an. Et cette énergie est libérée par le Soleil chaque seconde. Impressionnant, non?

Jusqu’à présent, le Soleil a brûlé la moitié de ses réserves d’hydrogène. Il se consume depuis cinq milliards d’années et brûlera encore cinq autres. Et après? La fête sera alors finie. Le Soleil gonflera pour devenir une ‘géante rouge’, faisant s’évaporer l’atmosphère, l’eau et la vie sur notre planète. Il vaudrait mieux que nous partions bien avant, mais profitons-en tant que ça dure.

La découverte de l’hélium

Au 17e siècle, les scientifiques étudièrent la composition de la lumière (le spectre) en la décomposant en ses différentes couleurs à l’aide de fentes minces et d’un prisme. Les expériences utilisant des gaz incandescents avaient montré que les éléments émettaient des couleurs très précises de lumière lorsqu’ils étaient chauffés. Ces couleurs apparaissaient comme des raies brillantes dans le spectre (pensez aux tubes néons).

L’observation du spectre du Soleil révéla des raies sombres qui correspondaient exactement aux positions où des raies brillantes apparaissaient dans des gaz incandescents. L’on se rendit vite compte que les bandes sombres devaient être causées par le même élément qui, au lieu d’émettre la lumière, l’absorbait. Grâce à quoi, il était possible d’étudier précisément la composition du Soleil par l’étude du spectre solaire.

La plupart des bandes dans le spectre solaire pouvaient être associées à des éléments présents sur Terre. Un ensemble de raies échappait cependant à la classification. En 1868, l’astronome britannique Norman Lockyer émit l’hypothèse que ces bandes sombres étaient dues à un élément présent dans le Soleil et jusqu’à là inconnu, qu’il dénomma « hélium », d’après le nom grec du Soleil, Helios. Ce n’est que 25 ans plus tard que l’hélium fut isolé pour la première fois sur Terre.


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À une époque où les sources d’énergie non renouvelables s’épuisent rapidement et où l’on cherche désespérément des sources efficaces d’énergie renouvelable, la fusion est régulièrement débattue dans nombre de quotidiens et magazines scientifiques. Dès leur plus jeune âge, les élèves peuvent être confrontés avec ce terme sans en comprendre la signification.

Mark Tiele Westra de l’EFDA à Garching en Allemagne nous donne à lire un aperçu très intéressant et très concis du processus de fusion qui se déroule dans le Soleil. Même si l’article donne un traitement théorique du sujet et sera intéressant tel quel aux professeurs de science, il est accompagné d’illustrations très informatives qui peuvent être facilement adaptées et utilisées selon les capacités des élèves pour expliquer la fusion en classe. Pour les élèves plus avancés, il y a aussi des informations détaillées sur la découverte de l’hélium.

Elton Micallef, Malte

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